Le parquet et la Seprona ont mis un terme à une affaire rapportant plus d’un million d’euros à un faux vétérinaire qui faisait le commerce depuis plusieurs années de sang animal. Animaux que l’on suppose être morts vidés de leur sang.

Dans la vidéo, des images de la propriété où se trouvaient les animaux à l’arrivée de la Garde Civile: https://elpais.com/espana/madrid/2022-07-01/los-500-cadaveres-del-vampiro-de-perros.html
Un jour l’employé de l’incinérateur du village Toledan de Yuncos fatigué de voir autant de chiens morts dans des sacs poubelle se mit à parler. D’où pouvait bien provenir autant d’animaux amenés toujours par la même personne à brûler au crématorium? Fut alors révélé au grand jour ce que Luis Miguel V.F. avait réussi à occulter avec maestria durant presque 20 ans. Ce dernier dirigeait sans autorisation une banque de sang animal qu’il approvisionnait en vidant de leur sang les animaux probablement jusqu’à la mort. Le parquet et la Seprona soutiennent que ces morts si cruelles avaient lieu dans sa propriété d’Humanes (Madrid); de là sortaient régulièrement des sacs remplis de cadavres de quadrupèdes et de là aussi les agents ont sauvés il y a quinze jours 257 chiens et chats.
Le marché de sang animal est confidentiel et il faut croire lucratif. Il n’existe pas de banque de sang public comme pour les humains, ce sont donc une poignée d’entreprises privées qui se chargent de collecter les fluides canins et félins et de les vendre aux cliniques vétérinaires. L’inculpé a mis à profit cet état de fait pour se construire un petit empire du sang qui avec les années a réussi à cumuler des dizaines de clients nationaux et internationaux. La Garde Civile pense que 500 animaux au minimum ont péri dans les installations de cet escroc qui dirigeait son soi-disant centre de transfusion vétérinaire.
Les agents estiment que le prévenu a réalisé depuis le début de son activité en 2006 plus d’un million d’euros de bénéfices. » Il reste encore beaucoup de questions non résolues, nous enquêtons pour savoir si le prévenu a prélevé du sang d’animaux malades et combien sont morts de ces abus » nous informe des sources de la gendarmerie. L’enquête a réussi à prouver qu’entre avril et mai une soixantaine d’animaux sont morts à cause de ces prélèvements abusifs, pour la plupart chiens et chats. Les galgos était la source la plus convoitée étant donneurs universels et parce que les propriétaires se débarrassent facilement de leurs chiens à la fin de la saison de la chasse.
Beaucoup d’animaux arrivant à la propriété du prévenu étaient amenés par leurs propriétaires qui ne voulaient pas ou ne pouvaient plus les garder et par des associations qui cherchaient un endroit où les laisser temporairement. » Il était très connu dans ce milieu et sa propriété était même pour certain considérée un refuge animal » ajoute la Garde Civile. Les recherches devront aussi déterminer si il y a d’autres personnes impliquées et comment l’inculpé se procurait les médicaments nécessaires à son activité. Il reste aussi à découvrir quelles failles dans la législation et les contrôles ont pu permettre à l’inculpé d’exercer sa profession pendant 20 ans et être aussi reconnu dans son domaine.
Sur son site web Luis Miguel spécifiait qu’il exerçait depuis 2006 et qu’il avait des dizaines de clients nationaux et internationaux. » Nous disposons actuellement d’un stock permanent d’hémocomposants de chiens, de chats et de lapins. Et si besoin était, nous disposons aussi de donneurs chevalins(sic) » écrivait-il sur la page d’accueil de son site. En cliquant sur un des onglets on trouvait de nombreux liens d’interventions et de discours qu’il était supposé avoir tenu dans des congrès spécialisés, ainsi que des études scientifiques sur les fluides animaux. Sur un autre onglet apparaissait une liste interminable de cliniques de sa clientèle. Son site web se vida de tout contenu quelques minutes après que notre journal se soit mis en contact téléphonique avec l’entrepreneur pour avoir sa version des faits. » Je ne dirai rien, l’enquête est en cours » nous dit-il avant de raccrocher. Devant le juge il fait appel de son droit à garder le silence. Lors de la descente des forces de l’ordre un employé de la propriété a aussi été arrêté; il s’agit d’un citoyen marocain que les forces de police soupçonnent d’avoir aidé l’inculpé dans ses activités.
Suite à l’alerte de l’employé du crématorium, les enquêteurs de la Garde civile ont recueilli plusieurs cadavres pendant un peu plus d’un mois pour corroborer les soupçons que quelque chose n’allait pas. Congelés, les corps des animaux ont été amenés dans un centre spécialisé à Madrid où ils ont été autopsiés. Le diagnostic était clair pour chacun d’eux : ils étaient morts de choc hypovolémique (due à une perte de sang excessive). Les investigations montrent que dans cette propriété, ils ont mis l’aiguille directement dans le cœur des animaux pour extraire un plus grand volume de sang en un minimum de temps, selon des sources de l’instruction. « Si cela était vrai, ce serait une vraie barbarie. La pratique normale pour un don de sang est d’utiliser la jugulaire ou les pattes et d’en retirer de petites quantités tous les deux ou trois mois », explique Cristina Fragio, responsable de la Clinique Vétérinaire Universitaire Complutense. « Comme il y a généralement peu de donneurs, nous utilisons souvent ce type de banque. J’ai moi-même utilisé du sang de cette société et je n’ai jamais rien détecté d’anormal», dit-elle.
Vétérinaires alarmés
La nouvelle de l’arrestation de Luis Miguel a circulé à la vitesse de l’éclair dans le monde vétérinaire. Son arrestation a provoqué une énorme inquiétude dans le secteur dans lequel il évoluait depuis des années et dans lequel il avait noué des relations. De fait, le Collège des Vétérinaires de Madrid a réagi immédiatement après avoir appris l’arrestation et a radicalement pris ses distances. Selon Esther Tortuero, présidente de sa commission d’éthique, cette institution n’a jamais eu de relation avec la personne mise en examen et, de plus, ses services juridiques ont déjà été appelés à comparaître dans l’affaire ouverte en justice contre lui.
Le Collège, qui n’avait reçu aucune plainte contre le suspect et ne l’avait pas sous le radar puisqu’il n’appartenait pas à cette institution, constate deux possibles irrégularités. Il l’accuse d’« intrusion », puisqu’il n’était pas vétérinaire et que les pratiques qu’il exerçait ne pouvaient être exercées que par des professionnels accrédités et diplômés dans ce domaine, selon Tortuero. L’institution veut également enquêter pour savoir si la règle sur le bien-être des animaux a été violée. Fragio, de l’Université Complutense de Madrid, craint que dans un tel cas les techniques vétérinaires qui ont « permis de sauver de nombreuses vies » ne soient remises en question. Au sein de cet empire, le prévenu avait également fondé l’Association d’Hématologie et d’Hémothérapie Animales, avec pour objectif précis de certifier des laboratoires comme le sien.
Plusieurs refuges et associations ont pris en charge les animaux secourus à la propriété de Humanes. Certains ont survécu, mais pour beaucoup d’autres, la libération est arrivée trop tard et ils sont décédés ou sont dans un état critique. Ils ont échappé au vampire, mais pas aux mauvais traitements auxquels ils ont été soumis. //