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// Un homme grand et costaud, rustique, il pourrait presque nous paraitre sympathique si on ne savait qu’il est un galguero. Nous le rencontrons en ville pour faire la connaissance de son galgo, celui à qui il veut « offrir une belle retraite » car c’est « le meilleur chasseur qu’il ait jamais eu », une sorte de récompense pour les années de chasse et le prestige qu’il a fait rejaillir sur son maître. Avoir le meilleur chien n’est-il pas le rêve de tout chasseur…
L’homme sait parfaitement comment nous traitons nos galgos en France, la mère de ce chien a été adoptée il y a quelque années et il a vu des photos, il veut cette vie là pour son chien, mais ne peut lui offrir… Marie Angélique montre une photo de ses galgas confortablement installées sur le canapé d’angle, il n’est pas surpris, c’est bien çà qu’il souhaite pour son chien.
L’homme est fier de son galgo, il le fait défiler devant nous, comme en exposition, et le chien s’y prête parfaitement. Il le détache, nous sommes en centre ville, le chien ne bouge pas, il écoute au doigt et à l’œil et regarde son galguero avec les yeux de l »amour ». Il existe entre les deux une complicité indéniable.
La conversation s’engage très vite, avec la nette impression que cet homme veut redorer son blason de galguero, peut être nous prouver qu’il n’y a pas que des ordures dans ce milieu, ou alors qu’il ne fait pas parti de ceux là. Il y a là une nuance.
Ses chiens sont bien traités, ils sont suivis régulièrement par le vétérinaire, vaccinés, déparasités, traités puces et tiques, soignés en cas de blessures ou de maladies, l’assistante vétérinaire est là pour le confirmer. Le rôle de l’ASV est d’importance, avec la vétérinaire, elles orientent les galgueros dont les chiens ne sont plus en âge ou en état de chasser vers la bénévole, qui ensuite réalise un énorme travail. Il faut tout expliquer aux galgueros et surtout qu’à partir du moment où les chiens sont stérilisés et vaccinés, ils ne doivent plus être utilisés pour la chasse, autrement dit, qu’ils doivent les nourrir gratis sans rien leur demander en retour, en attendant qu’ils soient adoptés. Le message n’est pas simple à faire passer, nous savons tous que les chiens qui ne servent plus sont une charge inutile.
Le galguero répond à toutes nos questions, sans fausse pudeur, c’est un homme fier, fier de sa personne et sans complexe, fier de son galgo, fier de sa façon de traiter ses chiens, il pense être un « bon galguero » !!! Nous discutons avec lui sans jugement et il le sent, un semblant de confiance s’installe et il nous propose alors de voir ses autres galgos. Nous acceptons sans hésiter.
Un long chemin de terre dans la campagne, une ferme isolée, un grand enclos avec une dizaine de mastins, utilisés pour garder les vaches le jour et la propriété la nuit, des chevaux, des poules, du matériel agricole… la décor est planté. Nous voici dans l’univers secret du galguero. Nous cherchons les galgos des yeux, en vain. Où sont-ils donc ? L’homme ouvre alors une petite porte que nous n’avions même pas remarquée, ils sont là, sept magnifiques jeunes galgas entre 8 et 18 mois, toutes filles du galgo grand chasseur qui est le huitième de la meute, de véritables merveilles de beauté.
Les questions fusent, nous apprenons que les femelles sont meilleures chasseuses que les mâles, qu’elles font leurs premiers pas à la chasse vers l’âge de huit à neuf mois et que certaines sont déjà très prometteuses. Que fera t-il de celles qui n’ont pas les qualités réquises ? Nous ne savons pas, mais nous posons de suite des jalons pour les récupérer. Le galgo entouré de ses filles, joli tableau de famille. Et la mère, où est-elle donc ? Il l’a donné à un autre galguero, pour qu’elle lui fasse des chiots… la suite, nous la connaissons … pas de retraite dorée pour cette chienne, elle va servir encore et encore, passer de galgueros en galgueros, subir des saillies forcées (viols), faire portées sur portées, elle souffrira de se voir retirer ses chiots trop tôt, elle souffrira d’être constamment enfermée dans une cage, trop petite pour pouvoir se lever ou même se retourner, parfois même sans voir le jour, elle qui courrait autrefois dans la campagne… nous la retrouverons peut être un jour à l’adoption, lorsqu’elle sera complètement usée, épuisée, et qu’elle sera définitivement inutilisable, peut être pourrons nous alors lui éviter de mourir à la perrera ou seule dans son coin, après une longue agonie… J’arrête là, les larmes montent, la nausée me prend, je pense trop à mes chiennes Bianca et Smila qui ont vécu cette vie de martyres, ainsi qu’à Coco, une des chiennes de Marie-Angélique.
Encore quelques réponses à nos questions : la couleur jaune que vous pouvez voir sur les pattes de certains galgos de chasse vient d’une solution liquide utilisée pour durcir leurs coussinets. Le galguero nous explique qu’il faut tremper les pattes très rapidement sous peine de les brûler, car c’est une solution acide. Les ergots des pattes avant sont coupés pour éviter qu’ils ne s’accrochent ou qu’ils ne se blessent avec les pierres lorsqu’ils courent. Les chiens sont entrainés quotidiennement, ils courent 25 kilomètres sur les chemins de campagne, le galguero les accompagne en vélo, il insiste sur le fait que les véhicules à moteurs sont désormais strictement interdits pour l’entrainement des chiens et qu’il respecte la loi… il me fait palper la cuisse d’une des galgas, une musculature impressionnante.
Nous quittons à regret ces merveilleuses chiennes, en espérant les récupérer lorsqu’elles ne chasseront plus, et surtout avant qu’elles ne se transforment en « machines à chiots », ou peut être plus tôt, si l’une d’elle se montre récalcitrante à la chasse. Nous expliquons au galguero le travail de notre association en collaboration avec les bénévoles espagnols et lui laissons notre carte. Nous sommes ici pour prendre le problème à la source et nous espérons beaucoup de cette rencontre.
La lourde porte se ferme, sécurisée par un cadenas et doublée d’un chien catégorisé attaché à une chaîne. Impossible de s’approcher, les galgos sont détenus dans des lieux secrets et soigneusement protégés des nombreux vols. Si les galgueros ne se volent pas entre eux, les gitans sont à l’affuts. L’été, il y a un homme qui dort sur place, mais l’hiver, les chiens dorment dans un bunker fermé par une énorme porte blindée que le galguero nous montre aussi. Il termine par l’alimentation des chiens, de la viande de boucherie, et par le matériel, laisses, muselières…etc .
Il est temps de partir, un autre galguero nous attend…
Cette deuxième rencontre est fondamentalement différente. C’est le premier contact de la bénévole avec ce chasseur, nous choisissons donc de rester à l’écart afin d’éviter un rapport de force qui pourrait le mettre mal à l’aise et faire échouer la négociation, le terme n’est pas de trop, c’en est une. Trois face au chasseur, c’est suffisant, d’ailleurs sa femme viendra le rejoindre rapidement, une attitude probablement dictée par son inconscient de femme de galguero, admirative et solidaire de son mari de chasseur. (lol)
Celui-ci est beaucoup plus jeune et, même à distance, nous parait immédiatement antipathique. La chienne qui est à ses côtés s’appelle Yoli, elle est terrorisée, son regard fait mal. Si le galguero accepte sa prise en charge, elle devra être stérilisée et vaccinée mais elle ne devra plus chasser jusqu’à son adoption. Va-t-il accepter les conditions ? Il va falloir agir vite, il ne semble pas patient.
L’homme parle d’une autre chienne, blessée, un trou dans la patte, mais il ne la soigne pas. Il ajoute que tant qu’elle marche, elle n’a pas besoin de soins. « Cà va bien comme çà… » Il est clair que c’est un chien outil. Nous ne savons rien d’elle, si ce n’est qu’il veut encore une portée avant de la lâcher, car c’est une excellente chasseuse… la bénévole va insister pour récupérer la deuxième galga, mais ce n’est pas gagné.
Ces deux chiennes sont des urgences extrêmes, nous allons faire tout ce que nous pouvons pour les prendre en charge, nous attendons de savoir comment les choses évoluent sur place et nous aurons alors besoin de marraines pour les mettre au plus vite à l’abris à la pension, si nous ne sommes pas assez rapides, ces chiennes risquent bien de prendre un coup de fusil, dans le meilleur des cas !!!
Est-il besoin d’une conclusion ?
Le fait d’avoir pu pénétrer dans le monde secret des galgueros est une opportunité, connaître son ennemi pour mieux le combattre… Cependant nous condamnons et condamnerons toujours ces pratiques d’un autre âge. L’Espagne et le Portugal sont les deux derniers pays où la chasse aux lévriers est encore autorisée alors qu’elle est interdite en France depuis 1844. Les galgueros sont férocement attachés à cette tradition ancestrale et ils sentent bien la pression monter, avec l’éventualité qu’un jour la chasse au galgo puisse être interdite dans leur pays, il n’est donc pas étonnant de les voir s’afficher comme de « bons galgueros »… Les différentes actions et manifestations en Espagne, en France, en Allemagne commencent à porter leurs fruits, il faut plus que jamais continuer le combat.
Article écrit par Sylvie FABRE le 17 juin 2016
Par mesure de sécurité, aucun nom et aucune photo de chiens, d’hommes ou de lieux ne sont dévoilés. //
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