Ce n’est pas Abraham qui a adopté ses animaux, ce sont eux qui l’ont choisi. Sur la route
entre San Juan et San Carlos, le hameau de San Lorenzo offre des maisons éparses, une
cinquantaine de mètres sur un chemin de terre sèche mène au sanctuaire de Moji.
Une dizaine de chats siestent au soleil, sur le toit du réduit, te regardent et s’étirent et tu
attends Abraham. L’air est chaud. Le soleil lent. Un léger air. Le silence.
Au début tu ne le remarques pas, tu l’apprécies comme tu l’aimes dans la nature, loin des
villes. Puis tu te rappelles qu’il y a, ici, une cinquantaine de chiens. L’étranger que tu es
n’attise aucun aboyement, aucun jappement, rien que le silence des chats qui te regardent passifs et, parfois, rare, une moto au loin, une voiture sur la route.
Alors, voyant Abraham s’approcher, te souriant de loin, entouré de six chiens lui souriant aussi, tu te demandes bien pourquoi on l’oblige à partir. Nuisance sonore? Bien sûr que non. La porte s’ouvre. Un coq saute sur le toit des chats. On entre dans le premier espace, grand pour les chiens de grandes tailles, un arbre pour l’ombre et les transats alignés d’où des chiens descendent pour te saluer. Une auge le jouxte où trois cochons finissent leur repas, s’apprêtent à la sieste.
Sa maison est basse, bloc blanc jauni sans étage dont on longe le mur et qu’on ne
pénétrera pas, parce qu’il n’y a pas de raison et l’on marche à la file alongée par les
chiens, ceux qui s’entendent tant avec tous qu’ils peuvent traverser les espaces, allant là
où Abraham va comme les amis vont là où l’ami va.
Un cochon à part, à l’arrière de la maison s’amuse d’un matelas mousse et nous ignore,
pris par le jeu. Les chevreaux juste après, eux, nous fêtent, le museau entre le grillage, les
pattes dépassant assez pour qu’on puisse les leur serrer, un, vaillant, sur le toit de leur
baraque, un montagnard, sûrement.
On parle peu, d’abord. C’est ainsi. On découvre, on caresse, on chuchote, on murmure,
on s’échange avec les animaux. Toujours pas d’aboyements, pas de saut, si ce n’est la
chèvre, du toit au sol pour se rapprocher d’Abraham qui la nourrit.
Quelques pas encore, vers la terrasse sous l’avant-toit, devant la porte de chez lui où des
chiens sommeillent dans leurs paniers, une nuque un peu relevée pour voir qui est là et le retour aux rêveries.
Lui a trouvé le lieu, leur sanctuaire. Mais ils doivent partir. Pas le choix. Une cinquantaine de chien qui le suivent, lui, le chef de meute qu’il ne veut pas être mais un des leurs, simplement. Deux chevaux, 6 chats, les cochons, les chèvres, une meute entière d’amour pour laquelle Abraham donne tout, est tout. La question de l’adoption n’est pas sa priorité.
Recueillir, protéger, avant tout apprendre, dans cette Espagne si rude avec les animaux,
les sauver, vivre avec eux et changer les mentalités, ainsi est la mentalité d’Abraham.
Abraham l’ange gardien au sourire contagieux qui se bat pour l’amour et le
respect de toutes vies , l’une des plus belles rencontres sur l’île blanche.
- Pour soutenir Abraham qui ne reçoit aucune aide extérieure, nous avons créé ce Pot Commun auquel nous vous invitons à participer. Vos dons serviront à l’aider à payer ses factures de croquettes, soins vétérinaires, etc. Un grand merci à vous. https://www.lepotcommun.fr/pot/sqgk1fpb