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// Première condamnation pour avoir amputé les cordes vocales et les oreilles de chiens. Une trentaine de chasseurs font l’objet de poursuites judiciaires dans dix affaires de maltraitance animale.

“Les animaux montrant des plaies ouvertes infestées de vers, fuyant le contact humain et souffrant d’incontinence urinaire”. ”On avait pratiqué sur ces animaux sans raison médicale valable la cordectomie (consistant à couper ou à extirper une ou deux des cordes vocales pour empêcher le chien d’aboyer et d’ennuyer le voisin).» Les phrases ci-dessus sont deux exemples d’une atroce cruauté d’autant plus qu’elles font partie d’un rapport officiel qui a servi de preuve afin de condamner des chasseurs pour mutilation d’oreilles et cordes vocales. Les deux jugements énoncés à Valence et à Huelva au printemps dernier condamnent à un an et six mois de prison les inculpés qui n’ont pas fait appel.
Après plusieurs dizaines d’années de silence la société espagnole semble prendre conscience et commence à dénoncer la maltraitance animale, malgré l’inertie de l’appareil judiciaire; le Seprona de la Garde Civile a enregistré, rien que pour 2016, 414 cas de délits ou fautes commises sur les animaux.
Couper les oreilles et la queue des chiens de chasse à la campagne, loin de toute clinique vétérinaire est une coutume très répandue parmi les « rehaleros » (propriétaires de groupe de 40 chiens de chasse), chasseurs défendant le caractère ancestrale de cet usage. Cependant cette tradition s’est vue confrontée à la justice, et à Huelva dix procès sont en cours contre une trentaine de chasseurs inculpés pour mutilation des oreilles sur plus de mille chiens sans certificat médical. Après une première condamnation le ministère public de l’environnement a réussi à ouvrir une enquête publique pour trois autres procès et est sur le point d’accuser sept autres chasseurs pour maltraitance animale. « Juges et greffiers se sentent très concernés par la cause animale ». « Bien sûr nous accuserons quand nous aurons des preuves solides, il faut y aller avec prudence », avancent des sources du ministère public au sujet des dossiers de trois affaires.
Jusqu’à il y a deux ans le Seprona de la Garde Civile n’avait pas dénoncé pénalement ces mutilations malgré l’existence à l’époque déjà de lois des régions autonomes interdisant cette pratique et de la Vox Populi dans les milieux ruraux condamnant les manières hétérodoxes des rehaleros. Les autorités tombèrent en 2015 à Beas (Huelva) sur une rehala de 61 chiens, parmi lesquels six chiots avaient « les oreilles amputées en sang et une infection avancée », selon ce qui ressort du rapport de la police.
Le chasseur a admis avoir coupé lui-même les oreilles des chiots, mais quelques mois après il a présenté le certificat d’un vétérinaire. A la suite de quoi les agents, pour vérifier ses dires, sont allés interroger le vétérinaire Juan Aurelio Ramos qui admit « avoir mal agi » et que « son client lui avait fait de la peine, sachant que si le Seprona lui tombait sur le dos il aurait de gros ennuis ». Quelques jours après, le vétérinaire fournit à le Seprona une liste de 19 chasseurs pour lesquels il avait falsifié les certificats sanitaires. De fil en aiguille la Garde Civile tout au long de 2016 a multiplié les inspections des rehalas (plus de 40) pour vérifier si les mutilations étaient effectuées sous contrôle vétérinaire, et trouver d’éventuelles falsifications. ». Si je n’avais procédé de la sorte je n’aurais pas eu de travail» déclare, pour sa défense, Ramos aux agents.
Parallelement la Garde Civile a réclamée deux rapports à la chambre officielle des vétérinaires, le premier pour éclairer d’un point de vue scientifique et légale si ces mutilations entrent dans les critères de la loi andalouse de 2003. L’octétomie (mutilation des oreilles) et la « caudectomia (ablation de la queue) sont des interventions chirurgicales provoquant une intense douleur (…) et parfois des infections locales et systémiques chez l’animal, problèmes de cicatrisation, altération du comportement, souffrance inutile pouvant aller jusqu’à provoquer la mort du chien » souligne Alfredo Fernandez. Ce médecin expert vétérinaire fait ressortir dans son rapport »le coté exclusivement esthétique » de toutes ces amputations réalisées en pleine campagne sans aucune précaution hygiénique.
Dans la dizaine de procédures ouvertes il y a au moins deux vétérinaires mis en cause. Juan Aurelio Ramos s’est refusé à donner les motifs de sa confession comme de ses faux certificats. Mais le rehalero Diego Ramos qui détient plus de cent chiens fait valoir que ces opérations sans contrôle ont été faites pour la santé des animaux. »Les chiens s’enfonçant dans le ciste et les buissons d’épineux se déchiquettent les oreilles » ce qui justifie les mutilations afin de prévenir les blessures lors des chasses au sanglier et au cerf. » Faire couper les oreilles aux chiens par un vétérinaire coûtait beaucoup trop cher »ajoute-t-il . Tout en admettant que l’opération se faisait »sur place dans le domaine », il demande »où castre-t-on les chevaux et où soigne-t-on les taureaux? Qui va aimer mes chiens plus que moi ? »
Alfonso Aguado, président de l’association espagnole de rehalas qui compte plus d’un millier d’inscrits soutient les accusés et contre-attaque dénonçant »l’acharnement policier » : »Il faudra demander au Seprona pourquoi il n’a enquêté que dans la région de Huelva. Ni la maltraitance ni les malversations ne justifiaient la détention des prévenus, cela a beaucoup indigné la communauté de Niebla (Huelva) provoquant dans ses rues une manifestation de plus de 4000 personnes » assure-t-il.
« Nous recommandons nous-mêmes que les oreilles soient coupées chez un vétérinaire. Mais il faut prendre aussi en considération les traditions de ces personnes» précise-t-il.
Chez la partie adverse le parti animaliste PACMA fait ressortir le travail d’investigation de l’institut Armado : »Cela a été très bénéfique de pouvoir compter sur la Garde Civile afin d’obtenir les preuves nécessaires à la condamnation de ceux qui utilisent les chiens pour chasser en leur infligeant la mutilation des oreilles en toute impunité », affirme la présidente Silvia Barquero.
En Espagne, les interventions se multiplient, les cas étant innombrables. L’an passé par exemple le Seprona interpella à Burgos un homme pour avoir coupé les oreilles de son chien sans aucun contrôle sanitaire. Mais également dans cette même province une autre personne fût arrêtée pour avoir intentionnellement donné à un chien des morceaux de viande dans lesquels elle avait ajouté des bouts de lame de rasoir
UN SAUT DE QUALITE EN 2018
Les moyens judiciaires pour lutter contre la maltraitance animale vont augmenter en février prochain avec l’entrée en vigueur de la convention européenne pour la protection des animaux de compagnie qui fût signée en 1987 à Strasbourg et qui a mis la bagatelle de 30 ans à traverser les Pyrénées.
La ratification du traîté international par le sénat s’est faite en mars dernier et quand elle sera appliquée en 2018 elle aura priorité sur toutes les juridictions régionales. Pour le moment seules 7 des 17 régions autonomes que compte l’Espagne interdisent légalement la mutilation des oreilles et queues des canidés, les autres l’autorisent bien qu’en précisant que cela doit avoir lieu dans des cliniques vétérinaires.
Au printemps dernier le PP (Parti Populaire) voulait amender la ratification de la convention européenne auprès du sénat afin d’autoriser les rehaleros à continuer leurs mutilations mais quelques jours après le PP changea d’avis . »Pendant ces trois jours nous nous sommes rendus compte que nous étions seuls et avons retiré notre proposition. »explique le sénateur du P.P Alfonso Rodriguez. Avant que cette convention ne soit votée par le sénat le collectif « deux millions de chasseurs » présidé par le député du P.P Martin Bernabé porta à la connaissance de l’assemblée ce qu’il appela « l’effet fouet », c’est à dire que les propriétaires de chiens étaient blessés par le battement des queues de leurs animaux pour justifier leurs ablations, ce qui provoqua rires et moqueries du reste de élus.
En Andalousie le collectif des rehaleros à fait ressortir que la loi régionale de 2003 laissait un vide juridique exemptant la coutume de la mutilation des oreilles de toute poursuite. Pour cette raison, ils saisirent le Conseil d’Andalousie qui leur donnât raison en 2004. Cependant le Conseil andalou de la chambre des vétérinaires a bien souligné auprès de l’exécutif socialiste que la loin était « parfaitement applicable » aux chiens des rehaleros », l’opinion favorable à l’ablation des oreilles et de la queue émise par la délégation du gouvernement en 2004 n’a aucune légalité »fait ressortir ce rapport juridique rattaché à l’affaire principale instruite par le tribunal numéro 2 de Valverde del Camino concernant 25 chasseurs et un vétérinaire.
Fidel Astudillo, président du conseil andalou des vétérinaires résume l’évolution de la question de la maltraitance animale ainsi : »il y a 25 ans la société ne se préoccupait pas du fait de couper les oreilles d’un chien, de nos jours les juges sont beaucoup plus sensibles à cette cause ». //