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Le choc entre la sensibilité de la société envers les animaux, en augmentation constante ces dernières années, et certaines traditions très enracinées dans le monde de la chasse.
// Un enfant est attaché à un poteau et barbouillé du sang d’un animal qu’il a lui-même tué. Il aurait pu être aspergé de vin et de blanc d’oeuf, ou recevoir une simple poignée de farine au visage. Mais on l’a obligé à poser sur sa tête celle, tranchée, de l’animal. Autour de lui, les chasseurs adultes rient et lui reprochent, sur un ton amical, les erreurs qu’il a commises durant la journée de chasse.
Il s’agit d’un baptême de monteria (vénerie, battue), un rite initiatique entre chasseurs qui se pratique depuis des siècles. Selon Alfonso de Urquijo, chasseur, écrivain et théoricien cynégétique, le baptême de monteria est une procédure cocasse, une cérémonie célébrée après une vénerie, pendant laquelle le novice, qui a abattu son premier animal, se voit accorder le titre de veneur et est condamné à payer une amende ». Pour sa part le ‘Dictionnaire de la chasse’, édité en 1955 par José Marie Rodero, établit que « le nouveau chasseur qui tue sa première tête de bétail a à supporter les voeux de tous, des chasseurs et des domestiques, sans que cela ne le dédouane de payer les ‘fiançailles’, sorte d’amende déterminée par que le chasseur le plus remarquable ».
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Ces amendes font l’objet d’un rituel privé, qui se déroule loin des regards, sur les terrains de chasse privés, il en existe de multiples variantes. Il y a quelques règles: il doit s’agir d’un trophée de chasse majeur, de préférence un mâle – bien que l’on puisse aussi célébrer la tuerie d’une femelle – et doit respecter la volonté de ne pas se soumettre à la cérémonie quand on le souhaite.
José Manuela a 33 ans et il est chasseur depuis qu’il en a 12. Sa famille, originaire du nord de Salamanque, l’a introduit dans le milieu de la chasse bien avant cela: « J’allais aux monterias avec mon père et ses amis depuis l’âge de 5 ans », dit-il. José Manuel ne souhaite pas dévoiler son nom de famille ni sa localisation exacte car il considère que les chasseurs font l’objet d’une « persécution » constante. « On ne nous entend pas, on nous écoute de moins en moins. Le sujet des ‘fiançailles’ du veneur est un sujet très polémique : même entre chasseurs, certains ne les voient pas d’un bon oeil », raconte-t-il.
Il nous raconte ses ‘fiancailles’ de veneur à la première personne: « C’est plus un jeu, mais tous les enfants n’en rêvent pas. J’avais 12 ans et j’avais tué un petit sanglier. Nous l’avons beaucoup fêté et à la fin, j’ai reçu mon baptême. Ils m’ont jeté des oeufs et de la farine sur la tête. Puis mon père a pris un peu de sang et m’en a peint les joues, rien de scandaleux. Nous avons beaucoup ri et on m’a laissé boire de la bière, je m’en rappelle bien. On a fait des photos, et on les a même publiées sur Facebook, mais je les ai enlevées parce que plusieurs de mes amis, surtout ceux de l’université de Salamanque, me posaient beaucoup de questions. En réalité c’est un jeu, un rituel inhérent au monde de la chasse, qui est très traditionnel ».
Le Bureau National de la Chasse, le ‘lobby’ des chasseurs le plus influent, s’est limité à envoyer une note à El Confidencial : » Les ‘fiançailles’ de vénerie ne sont pas un rituel, en aucun cas une tradition, et l’ONC n’a pas de posture à ce sujet, mais il respecte les coutumes de chaque famille ou groupe d’amis quand il s’agit de souhaiter la bienvenue au nouveau veneur « .
Sensibilités heurtées
Tous les chasseurs ne sont pas friands de ces pratiques, bien que certaines ne soient pas aussi innocentes que ce que ces images peuvent laisser imaginer. Pour le Pacma, le principal parti animaliste d’Espagne, « la chasse est une activité violente et aucun mineur ne devrait y être impliqué », dit son parte parole Laura Duarte. « C’est un cas spécialement grave puisqu’il s’agit de perpétuer la violence », dit-elle.
La sensibilité à l’égard du bien-être animal a subi un essor important ces dernières années. Ainsi, il est habituel de voir des réactions démesurées sur les réseaux sociaux devant ce type d’images. L’ONC a dénoncé il y a deux semaines une personne qui, devant la photo de quelques enfants posant avec des animaux morts, leur souhaitait la même destiné. « Le Bureau a fait part de sa préoccupation au Ministère public Général de l’État sur des cas similaires (…) l’ONC regrette profondément que l’intolérance et la violence extrême du mouvement animaliste se manifestent en pointant son aversion sur deux mineurs qui, ne l’oublions pas, apparaissent sur une image absolument légale et légitime », assure-t-il dans un communiqué.
Une autre polémique récente a été provoquée par la revue ‘Jara y Sedal’, doyenne du secteur cynégétique, quand en décembre l’image de sa couverture montrait un mineur fixant un fusil de chasse et une perdrix morte. La publication, qui a allégué qu’il s’agissait d’une réponse à l’article d’un autre journal qui assurait que la chasse était pour le troisième âge, a suscité la confusion sur Twitter. Autour du ‘hashtag’ #soyjovensoycazador, des dizaines de chasseurs âgés de moins de 30 ans ont publié massivement des photos d’animaux qu’ils avaient eux-même tués.
Même des amoureux de la chasse comme Alfonso Ussia sont opposés aux ‘fiançailles’ de monteria. Mais comme nous l’avons indiqué plus haut, tous les chasseurs ne sont même pas d’accord sur le sujet. L’écrivain Alfonso Ussia, amoureux reconnu – et récompensé – de la chasse, a critiqué la tradition dans une tribune. « La chasse est guidée par des lois et des coutumes. Il est surprenant de voir la transformation psychique de nombreux chasseurs, instruits et normalement vêtus de gris quand l’uniforme est vert et brun. Ils deviennent des êtres détestables, sauvages, ou ce qui est pire, sans aucune grâce. Les autorités feraient bien d’interdire ou de limiter la frontière de leurs méfaits », publié en 2012 dans « la Razon ».
« Les ‘fiançailles’ des veneurs ne sont pas moins intolérables que les chèvres lancées dans le vide du haut des clochers, que les taureaux poursuivis et transpercés par les lances d’une multitudes de cavaliers insensibles, ou autres échantillons populaires de notre propre incivisme et notre style lamentable. On peut accepter la blague du « jugement » et que le bizut soit aspergé d’eau sur la tête. Mais là doit prendre fin la petite fête des sots », conclue-t’il
De plus, comme le dénoncent diverses associations écologiques et une partie du secteur cynégétique, en Espagne, on continue de voir des enfants qui empoignent des carabines de chasse avant l’âge de 14 ans, l’âge minimal que requiert la loi, et ce même dans les institutions qui devraient être exemplaires comme la monarchie. Le Règlement des Armes est clair à ce sujet : « Les personnes âgées de plus de 14 années et les mineurs de 18 pourront utiliser les armes pour la chasse et pour des compétitions sportives dans la catégorie appelée junior, après avoir obtenu une autorisation spéciale pour l’usage d’armes par des mineurs ».//