« La nécessaire mode des Lévriers »// Blanca Cristofol // Agapornis

  • Traduction personnelle de l’article paru dans le n°1 du magazine papier espagnol AGAPORNIS

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// Imaginez un lévrier. C’est probablement l’image d’un chien maigre au regard profond et triste qui vous vient à l’esprit : un peu élusif, avec sa queue entre les pattes. Cette race, qui attire l’attention pour ses particularités esthétiques et la vitesse que les animaux peuvent atteindre quand ils courent, devient de plus en plus connue dans notre pays. Est ce que les lévriers sont devenus à la mode ? Oscar Cubillo, bénévole pour Galgos112, nous en parle dans cette interview. « Toutes les modes ne sont mauvaises », nous dit Cubillo. Dans le cas des lévriers, la mode est venue par nécessité. Le fait qu’ils ont été menacés et maltraités constamment par leur propriétaire et leurs éleveurs, a engendré de multiples associations en Espagne dédiées totalement à eux, à leur sauvetage et à la quête de leur bonheur. Ce happy end pour les lévriers, dans le genre d’association où Oscar est bénévole, est ce qui encourage les membres à travailler dur jour après jour, selon le catalan.

Pour commencer, le bénévole de Galgos112 s’éloigne des clichés. « Les lévriers ne sont pas une race de chiens peureux. S’ils le sont, c’est parce qu’ils ont vécu une sorte de traumatisme, comme la plupart de ceux qui sont adoptés. » Un lévrier peut être aussi affectueux et dynamique que n’importe quel autre chien. En fait, les lévriers sont des animaux domestiques qui adorent la compagnie de l’homme. « Leur moyen de défense est la fuite et non l’agression », ce qui fait d’eux l’animal parfait pour co-exister avec une famille. Aussi, ils n’ont pas besoin de courir pendant des heures. « Il est vrai que les lévriers peuvent courir très vite. Ils peuvent courir à une vitesse de 70 km/heures pendant 3 minutes, mais après cela, ils auront probablement besoin d’au moins 18 heures de sommeil. Il semble que les mythes qui entourent ces chiens sont en train de tomber les uns après les autres.

A la recherche de l’adoptant parfait

La gentillesse de tous les lévriers facilite le processus de trouver des familles adoptives pour les associations et les refuges. Mais si Galgos112 se démarque en ayant « un très bon ratio de réussite pour mettre en relation des familles avec des lévriers », ce n’est pas seulement grâce à cela. Oscar nous dit que le protocole d’adoption dans cette association est pensé pour que les lévriers et autres races trouvent la maison parfaite : « On cherche des familles qui sont adaptées pour nos chiens et non pas des chiens adaptés pour chaque famille. » Un autre point très fort dans cette association est qu’elle ne connait pas de frontière. Pour trouver la famille parfaite, ces associations peuvent envoyer des animaux depuis et vers n’importe quel endroit en Espagne. « Pour la première étape, nous faisons une recherche ciblée », explique Oscar. « Mais si on ne trouve pas le rapprochement parfait, on va plus loin ». Après ça, l’association s’assure que le chien récemment adopté arrive à destination. Mais plus encore, comme Cubillo le souligne, « Galgos112 est l’une des quelques associations qui délivrent des chiens testés à toutes les maladies méditerranéennes et qui ont subi un protocole vétérinaire. »

Quand on lui demande le profil de l’adoptant idéal, Oscar devient catégorique : « Une personne de zéro à 99 ans. » Galgos112 n’a peur de rien. « On prend les vieux chiens, les cas désespérés, ceux que personne ne veut… et on trouve des familles pour eux. » Cubillo ajoute qu’ils alertent toujours les adoptants sur les frais vétérinaires et le coût qu’un chien peut générer pendant toutes les années de sa vie. « On dit à tous les adoptants qu’ils devraient avoir de l’argent de côté à la banque juste pour le chien », plaisante Oscar.

Une race maltraitée

Le protocole de Galgos112 est strict – et, de surcroît, efficace – du fait que la plupart des chiens de chasse, lévriers et autres races qu’ils mettent à l’adoption sont victimes de traumatismes et qu’ils ont besoin de trouver une famille qui peut s’adapter à leurs besoins.

Les chiens courant et les lévriers sont les deux races canines qui ont été les plus torturées tout au long de l’histoire de l’humanité. « Le problème ne vient pas de la chasse, il vient de la reproduction intensive. », explique Sanchez. Chaque année, 50.000 chiens de ce type sont trouvés en Espagne, abandonnés ou victimes d’atrocités. « Sur ces 50.000, Galgos112 en fait adopter 800 chaque année. Une énorme quantité, mais toujours pas assez. », déplore-t-il. Les lévriers, l’animal chasseur par excellence, sont les seuls à être sacrifiés pour s’être cassé un ongle, « parce qu’avec un ongle cassé, ils ne courent plus aussi vite que les autres ».

Donc comment vit un lévrier avec des galgueros? La réponse d’Oscar nous donne la chair de poule. Chez un reproducteur, un lévrier vit dans un box, une construction faite de béton et d’amiante. « Imaginez un trou comme celui d’une piscine, couvert avec un bout de tissu. Andalousie, 40°. Et dans ce trou, dans 10m², 30 lévriers, agglutinés, déféquant et urinant les uns sur les autres, sans aucune salubrité ». Pour les garder concentrés sur le lièvre, leurs propriétaires ne les nourrissent pas. « Ils peuvent les laisser sans manger pendant 3 ou 4 jours avant la course », continue Oscar. Néanmoins, même s’ils étaient nourris régulièrement, leur alimentation n’est pas la plus adaptée pour une race canine : « Leur repas est juste du pain dur ».

Un reproducteur a 20 ou 40 lévriers. Sur 20 qui naissent, un seul lui sera utile. Lors de la chasse, deux d’entre eux courent après le lièvre ; ceux qui n’ont pas été choisis pour chasser restent dans leur trou. Toujours dans ce trou, couvert avec une bâche, la vie n’est pas facile. « S’ils se battent, ils sont tapés avec une barre en acier ». Oscar nous parle du cas de sa propre femelle lévrier, Guiness. Depuis qu’il l’a adoptée, il a remarqué qu’à chaque fois qu’elle s’allonge par terre, elle expose le côté droit de sa colonne vertébrale, faisant la même chose à chaque fois qu’elle veut montrer sa soumission. « J’ai découvert qu’elle a plus de cicatrices sur son côté droit que sur le gauche », il continue, « et c’est parce que Guiness était constamment frappée sur le même côté, tout le temps. » A ce moment de la conversation, Oscar ne peut pas s’empécher de nous montrer quelques photos de son chien adoré. « Elle est adorable, on peut le dire juste en la regardant », il affirme, fier, alors qu’il nous laisse apprécier sa jolie femelle lévrier grise.

Après cette petite pause, on revient à la partie sombre, la partie qui précède le sauvetage, quand les chiens de chasse et les lévriers sont toujours la propriété des reproducteurs. Comment est-ce possible que des personnes maltraitent d’une manière aussi ignoble quelqu’un que la majorité d’entre nous considère comme notre meilleur ami ? « Le pire vient quand ce chien n’est plus utilisable », résume Oscar. « Les galgueros ont leur propre code de conduite macabre qu’ils utilisent lorsqu’ils décident que l’un de leurs chiens n’est plus utilisable pour la chasse. Si l’animal a été un excellent chasseur, il peut être extrémement chanceux et être laissé dans un refuge ou abandonné. Mais s’il a été un peu moins excellent, il peut être tué. Les galgueros qui les tuent par balle sont peu nombreux, parce qu’ils ne veulent plus dépenser de l’argent pour leur chien ». Alors qu’il parle des moyens possibles de tuer les lévriers, le visage du bénévole devient pâle, et les nôtres deviennent de plus en plus stupéfaits. « S’ils ont été les plus mauvais chasseurs, ils sont pendus à un arbre, en faisant un petit monticule sous leurs pattes pour qu’ils puissent à peine toucher le sol. L’autre façon de les tuer est de les jeter dans un puits asséché, donc ils chutent, se blessent et agonisent. La dernière est de leur injecter de la javel dans les veines. »

Silence. Nous n’en croyons pas nos oreilles. Ensuite Oscar décide de continuer sa narration et nous raconte quelques histoires auxquelles il a été confronté dans l’association. Parmi celles-ci, il souligne le cas de Maya, une femelle galga trouvée dans une poubelle. « Quelqu’un marchait dans la rue et a entendu un bébé pleurer dans les ordures. Quand il a regardé à l’intérieur, ce n’était pas un bébé, c’était une galga ». Ce piéton a appelé la Police et ils ont appelé Galgos112. « Le chien pleurait mais ne pouvait pas bouger. »

Une équipe de vétérinaires l’a amenée dans une clinique de traumatologie pour les animaux. « Son cou était brisé, explique Oscar, la voix tremblante. Grâce à l’excellente équipe vétérinaire, Maya a pu continuer à vivre parce, comme le disent les bénévoles de Galgos112, « les cervicales se dégénéraient, mais pas la moêlle épinière » et de ce fait, les dégats pouvaient être reversibles. Après diverses interventions chirurgicales, « maintenant Maya marche, maintenant Maya court, d’une drôle de manière ; Maya est un chien qui sera sans aucun doute adopté, et trouvera une famille », affirme Oscar avec maintenant de l’enthousiasme dans les yeux, qui nous exalte aussi.

Après avoir entendu d’autres histoires, nous sommes sans voix. Ensuite Oscar continue : « Quand tu vois ça, tu comprends que chaque minute dédiée à l’association en vaut la peine, et le « happy end » prend tout son sens. »

Un long chemin à parcourir

Oscar parle des tâches de Galgos112 avec une extrème satisfaction, mais il regrette tout le travail qu’il reste à faire et le fait que parfois ils n’arrivent pas faire face devant tous les chiens qui ont besoin d’aide : « à Galgos112 on accueille autant de chiens que les familles d’accueil peuvent recevoir. » Il est extrèmement difficile pour les bénévoles, parfois, de trouver des chiens abandonnés mais à qui ils ne peuvent pas offrir leur aide, ou de répondre aux demandes d’assistance des refuges d’animaux en général.

Grâce aux contributions de ses adhérents, la vente de produits dérivés, ou les dons des bénévoles, cette association peut remplir sa mission. Dans le cas d’Oscar, son but principal est de collecter des fonds. « Dans la vraie vie je fais quelque chose de similaire, sachant que j’entre en contact avec mes clients et leur demande de l’argent en échange des services que mon entreprise offre. » Le plus drôle ? Cubillo nous assure que les gens réagissent beaucoup mieux lorsqu’il s’agit de charité, comme aider Galgos112, plutôt que de business pur. « Les gens nous accueillent de manière incroyable. »

Il nous raconte une anecdote, lorsqu’une fois un transporteur canin a du être envoyé de Barcelone vers les Canaries, ceci pour sauver un lévrier. Malgré le fait que le prix soit significativement excessif au départ, après avoir insisté, la compagnie aérienne a offet ses services gratuitement. Oscar insiste : « Tous, et chaque individu qui fait sa part pour l’association est important et responsable pour notre réussite. »

Au delà des sauvetages, l’accueil et l’adoption de chiens, Galgos112 s’occupe de diffuser le problèmes de ces races vulnérables, tout autant que de sensibiliser les gens à cette cause. Par exemple, une de leurs activités sont l’ intervention dans des écoles . « On veut prendre le problème à la racine et se battre contre les auteurs de maltraitance. » Ainsi, dès le plus jeune âge, les enfants apprennent les histoires de sauvetages des lévriers qui viennent leur rendre visite à l’école. Les bénévoles donnent aux enfants le nom du chien, son anniversaire et expliquent la raison pour laquelle ce n’est pas le même jour que le jour où il est né, mais celui où il a trouvé une famille. « Parce qu’on célèbre leur renaissance », explique Oscar, ce qui nous fait sourire inévitablement .Concernant la législation en Espagne qui condamne les auteurs de maltraitance, Oscar considère qu’il en existe assez, le problème étant qu’elle ne soit pas rigoureusement appliquée. « Un galguero qui détenait plus de 50 chiens dans un trou ne s’est vu réclamer que 400€ d’amende, qu’il a juste dû régler à l’Hôtel de ville. » Malgré son indignation, le bénévole semble positif et considère que les lois de protection animale arriveront un jour, « mais elles doivent venir de l’Europe ». « L’Espagne est le fléau de l’Europe concernant ce sujet. Si seulement un jour nous pouvions disparaître, cela voudrait dire que nous ne sommes plus nécessaires, parce qu’il n’y aura plus d’animaux maltraités », dit le bénévole, nous faisant ainsi espérer  que, grâce à tout le travail des associations comme Galgos112, ce jour n’est plus très loin. //

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