El Pais // 27 novembre 2015 // La Communauté de Madrid ne donnera pas de fonds aux municipalités pour appliquer la loi « Sacrificio Zéro » qui interdit depuis octobre d’euthanasier dans les centres d’hébergement d’animaux municipaux. Le PSOE (Parti socialiste espagnol) et les associations de protection animale dénoncent que, sans financement, cette loi ne pourra pas être appliquée. « Cela coûte de l’argent de faire vivre des animaux dignement. La présidente Cifuentes ne peut pas légiférer pour que les conseils municipaux paient. » soutient le député socialiste Rafael Gomez.
Jusqu’au 13 octobre dernier, quand la présidente régionale Cristina Cifuentes a annoncé la fin des sacrifices des animaux dans les fourrières de la Communauté de Madrid, les centres d’hébergement pouvaient euthanasier les pensionnaires 10 à 19 jour après leur ramassage. L’arrivée de la loi oblige les municipalités à garder en vie tous les animaux (excepté en cas de souffrance, de problème de santé, de sécurité pour les personnes et les animaux ou de risque pour la santé publique). Cette mesure avait été amplement demandée par les associations de protection animale et des partis politiques; le PP (Parti Populaire) l’avait inscrite dans sa campagne électorale.
Cependant, le projet de loi élaboré par le gouvernement de Cifuentes a éveillé quelques critiques des groupes animalistes et du PSOE. La principale préoccupation: le manque de moyen économique pour aider les municipalités à appliquer la nouvelle réglementation. « Il va falloir doubler le nombre de place dans les fourrières, investir dans plus de matériel, de ressources et de personnel. Qui va payer pour tout ça? », se demande Gomez qui prend comme exemple le cas de Leganés où vivent actuellement 70 chiens et qui « passera bientôt au double, au moins ».
Le PSOE demande à la Communauté d’allouer un budget de 3 millions d’euros (deux millions pour l’investissement, un pour les ressources humaines et matérielles) afin de garantir la bonne application de la loi. « Le projet de Cifuentes recommande également la stérilisation des pensionnaires et nous sommes d’accord avec cela. Mais cette opération va coûter 90 400€, c’est la mairie va devoir les prendre en charge alors que la disposition légale vient de la Communauté. »
Les municipalités de plus de 5 000 habitants ont leur propre centre de protection animale, donc tout investissement nécessaire à l’application de la loi reste à leur charge, selon le Ministère de l’environnement. « Nous ne financerons pas les centres municipaux », assurent-ils. Les localités de moins de 5 000 habitants qui n’ont pas la compétence de ramasser les animaux pourront se rallier au centre régional qui se chargera d’eux.
Mourir entassés
Il y a beaucoup de municipalités qui ne vont pas pouvoir faire face à ces frais. Nous avons peur qu’alors les animaux restent dans les rues parce qu’ils n’ont pas d’endroit où aller ou qu’ils meurent entassés dans des box », confesse Arancha Sanz, avocate de la Sociedad Protectora de la Communauté de Madrid. « Il y a des centres qui n’ont pas de moyens et qui ne soignent pas les animaux malades, et qui mélangent les animaux sains avec les animaux malades alors qu’ils devraient être placés en quarantaine. », dit Sanz. « C’est une loi que nous demandions et applaudissons, mais nous voulons qu’elle soit bien faite. Comme est actuellement, en pratique, elle ne pourra pas se réaliser ».
La majorité des municipalités, et parmi elles celle de la capitale, ne se sont pas encore prononcé car le projet peut encore être modifié. Le groupe socialiste du Consistoire de Madrid a demandé que le gouvernement de Manuela Carmena (Ahora Madrid) étudie un « budget suffisant pour pouvoir s’acquitter de la loi. « Le centre de La Fortuna est très bien, mais il est insuffisant. Les professionnels nous ont dit que le nombre d’animaux hébergés croîtra de 500 par an. S’il n’y a pas d’adoptions, le centre sera obligé de les garder tous. Pour le moment, le centre n’a pas la capacité de faire face à ce que propose la loi », argumente Ignacio Benito, conseiller du PSM.
Le cas de Alcorcon sert d’exemple: la localité applique depuis 2011 la politique d’euthanasie zéro et depuis lors, ils ont dû agrandir les installations (les cages et les espaces de promenade), employer plus de personnel et doubler le nombre de bénévoles qui pouvaient aider au centre de protection. « Sans ces modifications, il n’aurait pas été possible de donner une qualité de vie digne aux animaux », détaille depuis le conseil municipal David Pérez (PP). « »Il a aussi été indispensable de faire prendre conscience de l’importance des adoptions ».
Abandon zéro
La sensibilisation est l’autre face de la pièce de monnaie. « Sans une politique d’abandon zéro il est impossible maintenir le Sacrificio Cero », assure Sanz. C’est une autre critique que les associations et le PSOE imputent à la loi: le manque de mesures concrètes pour réduire les abandons. À un niveau régional et municipal, les socialistes demandent à la Communauté des campagnes de sensibilisation dans lesquelles l’adoption est mise en valeur.
Le député Rafa Gómez (PSOE) va plus loin et sollicite que les magasins ne puissent plus vendre d’animaux. « Oui les éleveurs le pourront, mais pas la vente d’animaux dans des magasins où ils sont enfermés, seuls, derrière une vitre », explique-t-il. De plus, Gómez annonce qu’ils travaillent à un amendement plus punitif pour ceux qui abandonnent. Le groupe socialiste dans l’Assemblée a jusqu’au 7 de ce mois pour présenter les amendements.
La loi de Sacrifice Zéro se substituera à la loi de 1990, vieille de 25 ans qu’il fallait réviser. La nouvelle norme établit, en plus de l’interdiction d’euthanasier des animaux, de très graves sanctions dans les cas de mauvais traitement et d’abandon avec des amendes allant jusqu’à 30.000 euros, le double de ce qui était encouru jusqu’à présent.
Cependant, la loi ne s’appliquera pas à la faune sauvage et aux animaux utilisés dans des spectacles taurins. Cette exception est, selon la Société Protectrice d’Animaux de la Communauté de Madrid, « un retour vers le passé ». « Il n’est pas possible que les animaux qui ne sont pas domestiques restent déprotégés. La loi doit les protéger tous », critique Sanz. La loi s’appuie sur une réglementation spécifique pour les animaux d’exploitation et une autre pour la faune sauvage, mais les animalistes assurent qu’aucune de ces normes ne légifère sur les mauvais traitements.
Source: http://ccaa.elpais.com/ccaa/2015/11/27/madrid/1448639945_358978.html